90 90superterreLa formation des super-Terres, planètes extrasolaires de masses intermédiaires entre celle de la Terre et celle de Neptune et très proches de l’étoile centrale, demeure un mystère. Si elles sont très fréquentes autour des étoiles, elles sont absentes dans notre Système solaire.

La nature physique des super-Terres est difficile à élucider car la plupart de ces planètes sont entourées par une atmosphère d’hydrogène et d’hélium. Ces atmosphères révèlent que les super-Terres se sont formées très vite, à l’instar des planètes géantes du Système solaire mais à contrario de nos planètes terrestres. Cependant, ces atmosphères « cachent » la vraie nature physique des planètes subjacentes.

Heureusement, certaines super-Terres sont si proches de l’étoile centrale qu’elles ont perdu par irradiation l’hydrogène et l’hélium primordiaux. Les mesures de masses et de rayons de ces super-Terres montrent qu’elles se partagent en deux groupes : celles de nature rocheuse comme la Terre, et celles qui contiennent une grande quantité d’eau.

Il y a un consensus dans la communauté : les super-Terres riches en eau se sont formées dans le disque protoplanétaire au-delà de la ligne des glaces, où la glace d’eau est abondante, et elles ont ensuite migré vers l’étoile centrale. Mais il n’y a pas un modèle unique et convainquant de formation des super-Terres rocheuses. Le mystère de leur origine est rendu plus difficile par la constatation que, si les super-Terres peuvent avoir des dimensions très variables d’un système planétaire à l’autre, celles qui appartiennent à un même système planétaire ont des tailles quasiment identiques, comme des pois dans un pot de supermarché (des pots de pois fins et des pots de pois gros sont également disponibles, mais pas des pots de pois de tailles mélangées, d’où la mention « peas-in-the-pot pattern » pour la distribution des tailles des super-Terres).

Dans un article paru dans la revue Nature Astronomy le 12 janvier 2023, Konstantin Batygin, Professor of Planetary Science, et Alessandro Morbidelli, directeur de recherche CNRS, laboratoire Lagrange (Université Côted'Azur - OCA - CNRS) proposent une solution au problème de la formation des super-Terres rocheuses. Ces chercheurs sont partis du modèle (voir l'actualité 10.01.2022) selon lequel les planètes telluriques de notre Système solaire se sont formées à partir d’un anneau de planétésimaux rocheux d’environs deux masses terrestres, lui-même formé par l’accumulation de poussières autour de la ligne de sublimation des silicates, près d’une unité astronomique (unité astronomique = distance Terre-Soleil). L’idée à la base du nouveau modèle est que si l'anneau planétésimaux rocheux contient beaucoup plus que 2 masses terrestres, les planètes se forment plus rapidement et plus massivement que les embryons planétaires précurseurs de nos planètes telluriques. Par conséquent, elles migrent vers l'étoile centrale par interaction gravitationnelle avec le disque de gaz. Une fois sorties de l'anneau de planétésimaux, leur accrétion s'arrête et leur masse se fige. Les simulations de Konstantin Batygin et Alessandro Morbidelli montrent qu’une séquence de planètes de masses similaires peut croître, puis migrer à partir d'un unique anneau de planétésimaux rocheux. Ceci explique donc le « peas-in-the-pot pattern » observé pour les super-Terres. Il explique aussi l’absence de super-Terres dans notre Système solaire : à cause de la faible masse de l’anneau de planétésimaux, nos planètes telluriques étaient encore à l’état de petits embryons planétaires à la disparition du gaz du disque protoplanétaire, trop petits pour migrer significativement vers le Soleil.

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Distances et tailles des super-Terres produites dans les simulations de Batygin et Morbidelli. Chaque ligne montre les planètes produites dans un même système, à partir d’un unique anneau de planétésimaux. Les résultats reproduisent bien le peas-in-the-pot pattern observé. Les anneaux plus massifs produisent les planètes les plus grosses. La ligne pointillée verticale montre la limite approximative de détectabilité par la méthode du transit.

Cette recherche a été effectuée dans le cadre du projet HolyEarth, financé par l’ERC (contrat N. 101019380).

Référence

Formation of rocky super-earths from a narrow ring of planetesimals, Nature Astronomy, 12 janvier 2023.

Contact

Alessandro Morbidelli - morby@oca.eu - (33) 4 92 00 30 51