En utilisant les observations de la sonde Cassini, une équipe d’astronomes de l’Observatoire de Paris et de l’observatoire de la Côte d’Azur ont réussi à préciser les positions possibles d’une 9e planète dans le système solaire.

 Les objets de la ceinture de Kuiper, petits corps similaires à Pluton au-delà de Neptune, présentent une répartition particulière qu’il est difficile d’expliquer par le simple hasard. C’est ce qui a conduit Konstantin Batygin et Mike Brown (Caltech/USA) à proposer dans un article paru le 20 janvier 2016 dans Astronomical Journal, l’existence d’une 9e planète de 10 masses terrestres dont les perturbations sur les objets de Kuiper aurait pu conduire à leur distribution actuelle. Par des simulations numériques, ils ont déterminé l’orbite possible de cette planète. Pour permettre de reproduire la distribution observée des objets de Kuiper, cette orbite, avec un demi grand axe de 700 UA, doit être très excentrique (e=0.6) (voir Figure 2) et inclinée (i=30), mais aucune contrainte sur la position actuelle de cette planète n’est proposée par l’étude de Batygin et Brown. Ceci ne facilite pas la tâche des observateurs qui doivent scruter toutes les directions possibles en longitude sur 360° pour tenter de l’apercevoir.

Depuis 2003, A. Fienga (Astronome à l’Observatoire de la Côte d’Azur), J. Laskar (Astronome à l’Observatoire de Paris, directeur de recherche au CNRS), et leur équipe, développent les éphémérides planétaires INPOP, qui permettent de calculer le mouvement des planètes dans le système solaire avec la plus grande précision. En particulier, grâce aux données de la sonde Cassini (NASA/ ESA/ASI), la distance entre la Terre et Saturne est connue avec une incertitude de l’ordre de 100m. Les chercheurs ont alors eu l’idée d’utiliser ces données pour tester la possibilité de rajouter une 9ème planète dans le système solaire, comme il a été proposé par Batygin et Brown.

Fig.1. Analyse des données radio de la sonde Cassini qui fournissent une mesure très précise de la distance Terre-Saturne, avec un résidu de 75 m. Si on rajoute la 9ème planète dans le modèle, les écarts entre calcul et observation se dégradent considérablement (en bleu). Après réajustement de tous les paramètres du système solaire, ces différences sont fortement réduites (en rouge). Un excès de résidusde plus de 10% après ajustement est le signe de non existence de la planète (zone grise) (voir Fig.2).

Dans l’étude publiée ce mois-ci, l’équipe française montre que selon la position de la planète par rapport à son périhélie (mesurée par son « anomalie vraie »), cette planète induit des perturbations sur l’orbite de Saturne qui peuvent être détectées par l’analyse des données de la sonde Cassini, en orbite autour de Saturne depuis 2004. Les chercheurs ont pu calculer cet effet induit par la 9ième planète et comparer l’orbite perturbée aux données de Cassini. Pour les valeurs d’anomalies vraies inférieures à 85° ou supérieures à -65°, les perturbations induites par la 9ième planète sont incompatibles avec les distances observées par la sonde Cassini, de même que pour les anomalies vraies entre -130° et -100° (Fig.1). Ce résultat permet d’exclure une moitié des directions en longitude dans laquelle la planète ne peut pas se trouver (Fig.2). D’autre part, il apparait que pour certaines valeurs de l’anomalie vraie, l’ajout de la 9ème planète diminue les écarts entre le modèle calculé par les astronomes et les distances observées, par rapport à un modèle qui ne comprendrait pas cette 9ème planète. Ceci rend plausible la présence de celle-ci dans une zone comprise entre 108° et 129° d’anomalie vraie, avec un maximum de probabilité pour 118° (Fig. 2).

Fig.2. Orbite pour une possible neuvième planète (Batygin & Brown 2016). L’analyse des données de la sonde Cassini permet de définir des zones interdites (en bleu) où les perturbations crées par la planète sont incompatibles avec les observations, et une zone probable (en vert) ou l’introduction de la planète améliore le modèle de prédiction des distances Terre-Saturne en réduisant les différences entre les calculs et les données de Cassini. Le minimum de résidu, est donc l’emplacement le plus probable pour une planète est donné en P9. Les échelles sont en unités astronomiques (AU).

L’existence d’une 9e planète ne pourra être confirmée que par son observation directe, mais en restreignant les directions possibles de recherche, l’équipe française apporte une importante contribution dans cette quête.

 

Constraints on the location of a possible 9th planet derived from the Cassini data, in A&A, A. Fienga, J. Laskar, H. Manche, M. Gastineau.

Contacts chercheurs :

Observatoire de la Côte d’Azur : Agnès Fienga (Fienga@oca.eu)

Observatoire de Paris : Jacques Laskar (Laskar@imcce.fr)

         

 

 

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