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Une équipe de planétologues internationale composée notamment de quelques membres du laboratoire Lagrange (UNS-CNRS-OCA) vient de fournir une contrainte forte sur l’âge de la Lune qui permet de dater sa formation à 95 plus ou moins 32 millions d’années après le début du Système solaire.

Les efforts pour dater l’événement de formation de la Lune ont proposé plusieurs âges : certains suggèrent un événement précoce, autour de 30 millions d’années après la naissance du Système Solaire (il y a 4,56 milliards d’années), tandis que d’autres suggèrent qu’il s’est produit plus tard que 50, voire même 100 millions d’années après la naissance du Système Solaire. Seth Jacobson, post-doctorant, et Alessandro Morbidelli, directeur de recherche CNRS, laboratoire Lagrange (UNS-CNRS-OCA) et leurs collaborateurs ont développé une nouvelle méthode pour dater l’événement. Ils ont modélisé la quantité de matériau qui a pu être acquise par la Terre après l’impact qui a conduit à la formation de la Lune pour une gamme d’âge de cet impact, en utilisant comme contrainte la concentration d’éléments hautement sidérophiles observés dans le manteau de la Terre. A partir de cette observation, les chercheurs ont écarté un événement se produisant trop tôt dans l’histoire du Système Solaire. A l’inverse, ils ont calculé que la Lune s’est formée environ 95 millions d’années après la formation du Système Solaire, plus ou moins 32 millions d’années, permettant de valider certaines mesures de datation radioactives de l’événement.

Impression d’artiste de la collision de la Terre avec un objet
plus petit de la taille de Mars, qui conduit à la formation de
la Lune pendant l’une des premières phases du Système Solaire
(Courtesy NASA/JPL-Caltech).
 

Selon nos connaissances actuelles, la Lune s’est formée durant l’une des premières phases d’évolution du Système Solaire, lorsque la Terre à peine formée subit une collision massive avec une autre planète de la taille de Mars. La grande énergie mise en jeu dans cette collision fut suffisante pour fondre entièrement la Terre. Les débris éjectés par la collision se sont ensuite ré-accumulés pour former la Lune. Les efforts fournis pour dater cet événement majeur sur la base des mesures d’isotopes radioactifs ont proposé plusieurs âges de la Lune : certains suggèrent un événement précoce, autour de 30 millions d’années après la naissance du Système Solaire (il y a 4,56 milliards d’années), tandis que d’autres suggèrent qu’il s’est produit plus tard que 50, voire même 100 millions d’années après la naissance du Système Solaire.

Une équipe de planétologues français1, allemands et américains, financée par le Conseil de Recherches Européen (ERC), a simulé numériquement la croissance des planètes terrestres (Mercure, Vénus, la Terre et Mars) à partir d’un disque composé de milliers de petites briques planétaires évoluant autour du Soleil. En analysant l’histoire de la croissance des planètes comme la Terre dans 259 simulations, ils ont découvert une relation entre le temps auquel la collision formant la Lune s’est produite et la quantité de matériau que la Terre a acquise après cette collision géante. En supposant que la masse de matériau ajouté à la Terre après la formation de la Lune soit connue, cette relation est alors une véritable horloge pour dater l’événement conduisant à la formation de la Lune. Elle constitue ainsi la première horloge géologique découverte, une sorte de marqueur de l’histoire précoce du Système Solaire qui ne repose pas sur des mesures et des interprétations de la décroissance radioactive des noyaux atomiques.

En fait, la littérature scientifique fournit une estimation de la masse apportée à la Terre après la formation de la Lune. En effet, des scientifiques ont démontré précédemment que l’abondance dans le manteau terrestre d’éléments sidérophiles, qui constituent les éléments atomiques qui préfère être associés chimiquement au fer, sont directement proportionnels à la masse acquises par la Terre après la collision géante, car cet impact a provoqué le démarrage du dernier acte de la formation du noyau de la Terre. A partir de ces mesures géochimiques, l’horloge nouvellement établie par les simulations numériques de l’équipe de planétologues date la Lune à 95 +/- 32 millions d’années après le début du Système Solaire. Cet âge de l’événement de formation de la Lune est en accord avec quelques interprétations des mesures de datations radioactives mais pas avec d’autres qui donnent un âge bien plus jeune. Mais comme cette nouvelle horloge constitue une mesure directe et indépendante de l’âge de la Lune, elle permet ainsi une validation forte de certaines interprétations des mesures de datation radioactives, et ainsi de mieux contraindre l’histoire de notre Système Solaire, de la Terre et de son environnement.

1. Seth Jacobson post-doctorant, et Alessandro Morbidelli, directeur de recherche CNRS, laboratoire Lagrange (UNS-CNRS-OCA), Sean Raymond, Lab, Observatoire de Bordeaux.

Référence :
Highly siderophile elements in Earth’s mantle as a clock for the Moon-forming impact, Seth A. Jacob- son, Alessandro Morbidelli, Sean N. Raymond, David P. O’Brien5, Kevin J. Walsh & David C. Rubie, Nature.

Contact chercheurs  :
Alessandro Morbidelli, directeur de recherche CNRS, laboratoire Lagrange (CNRS-UNS-OCA) : 04 92 00 30 51 - alessandro.morbidelli@oca.eu