Un feu d’artifice cosmique qui a duré 7 heures ! Jamais vu encore. Il a commencé par être détecté par Swift, Tarot au Chili l’a pointé, dans le visible, et XMM grêce à sa haute sensibilité aux rayons X a pu le suivre pendant toute la durée de l’explosion. Cela signe une toute nouvelle espèce de sursaut gamma, ultra long, et la présence d’étoiles que l’on pensait disparues dans les galaxies voisines, les étoiles super géantes bleues très pauvres en métaux.

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Communiqué de presse

Mardi 16 avril 2013

Le chant du cygne des étoiles super-massives dure plusieurs heures.

Une équipe internationale composant la collaboration FIGARO (France – Italie – Australie) comprenant des astronomes des laboratoires ARTEMIS à Nice, IRAP à Toulouse et LAM à Marseille a découvert récemment que les étoiles très massives pouvaient exploser suivant une voie originale.

Super géante bleue

Cette découverte présentée dans le cadre du colloque international sur les sursauts gamma à Nashville aux Etats-Unis, a été publiée récemment dans l’Astrophysical Journal.

Les sursauts gamma ont été découverts dans les années soixante-dix sous forme de brusques bouffées de rayons gamma détectées par des satellites militaires américains dont la finalité était la détection d’explosions de bombes nucléaires dans l’atmosphère. Ce n’est qu’à partir des années quatre-vingt-dix que l’on a compris qu’ils se produisaient à des distances considérables où les effets de la dilatation de l’Univers se font sentir.

On connaissait jusqu’à présent deux classes de sursauts gamma. Les sursauts « courts » d’une part, qui durent moins de deux secondes, et sont sans doute associés à la fin catastrophique d’un système binaire d’étoiles à neutrons (une étoile à neutron possède la masse de notre Soleil, mais dans un rayon de dix kilomètres au lieu de 600 000 kilomètres), dont les membres se rapprochent inexorablement sous l’effet du rayonnement des ondes gravitationnelles ; ces sources sont considérées comme les meilleurs candidats pour la détection d’ondes gravitationnelles par l’instrument franco-italien VIRGO (CNRS/INFN), actuellement en phase de mise au point. D’autre part les sursauts « longs » durent de quelques secondes à quelques minutes. Ils sont associés à la fin de vie d’une étoile massive, de l’ordre d’une dizaine de fois la masse du Soleil ; l’étoile brule très rapidement son combustible nucléaire, hydrogène puis éléments plus lourds, et à l’épuisement des ressources un trou noir se forme en son centre tandis que les couches externes se précipitent vers le centre (figure 1). Dans les deux cas un jet de matière allant à une vitesse très proche de celle de la lumière est émis, qui sera observé par les astronomes sous forme d’une émission puissante de rayons gamma et X, les formes les plus énergétiques de la lumière, mais aussi en optique, infrarouge et radio.

Le 9 décembre 2011 le satellite Swift de la NASA a détecté un sursaut très puissant mais aussi très original, appelé GRB 111209a. En effet, contrairement aux sursauts gamma « classiques », sa durée était d’au moins 7 heures.

Immédiatement il était suivi par une armada d’instruments à toutes les longueurs d’ondes, dont le télescope TAROT du CNRS placé à l’Observatoire Européen Austral au Chili et l’observatoire de rayons X XMM-Newton de l’Agence Spatiale Européenne. L’équipe internationale conduite par l’astronome franco-italien Bruce Gendre a profité de l’ensemble de ces données pour chercher ce qui avait pu produire un sursaut d’une telle intensité pendant une telle durée. En effet, dans les deux cas indiqués plus haut, le sursaut ne peut durer que quelques secondes, au mieux quelques minutes.

« C’était une surprise totale – déclare Bruce Gendre – car on ne comprenait pas comment un sursaut pouvait durer aussi longtemps. Vous n’attendez pas qu’une explosion dure plusieurs heures ! Il a fallu trouver le bon moteur pour alimenter le jet aussi longtemps »

Il fallait donc imaginer un mécanisme pour alimenter le jet sur une aussi longue durée. Bruce Gendre et ses collaborateurs ont proposé qu’un autre « monstre » soit invoqué : une étoile bleue super-géante, faisant 50 fois la masse du Soleil et composée presque exclusivement d’hydrogène, implose à la fin de sa vie en produisant le trou noir en son centre. Dans ce cas cependant, la taille énorme d’une telle étoile – elle s’étendrait jusqu’au-delà de l’orbite de Jupiter – fait que les couches externes prendront plusieurs heures pour se précipiter vers le centre, alimentant le jet pendant plusieurs heures.

L’un des problèmes est que normalement, les étoiles bleues super-géantes sont environnées d’un vent stellaire très puissant qui les dépouille de leurs couches externes. Il ne reste plus alors que le cœur de l’étoile mis à nu, et ce rapidement après leur formation. Pour maintenir les couches externes en place, l’équipe a proposé que l’étoile soit composée quasi-exclusivement d’hydrogène et d’hélium. Or, depuis le début de l’Univers, plusieurs générations d’étoiles ont été produites, chacune enrichissant un peu plus le milieu interstellaire en éléments lourds comme l’oxygène et le carbone lors des explosions de supernovae. GRB 111209a a été produit à une distance relativement modérée, à un moment où l’Univers devrait être déjà enrichi en éléments lourds, à qui on doit par ailleurs la vie sur terre. Ces faits semblent, au premier abord, incompatibles entre eux.

Cependant, on sait maintenant qu’il existe toujours des régions, de plus en plus rares, composées presque exclusivement d’hydrogène dans notre voisinage galactique.

« GRB 111209a a été produit dans une région composée presqu’exclusivement d’hydrogène, une sorte de fossile dans l’Univers actuel » déclare Michel Boër, chercheur au laboratoire ARTEMIS à Nice. « Fort heureusement, ces régions deviennent de plus en plus rare au grés des explosions de supernovas, car sinon cela pourrait être un problème pour nous » s’amuse t-il. Si un sursaut long devait se produire dans notre environnement, il aurait des conséquences fatales sur la vie sur Terre, ce qu’ont pointé les astronomes depuis longtemps. Cependant, l’enrichissement en éléments lourds de l’Univers fait que les sursauts gamma deviennent de plus en plus rares, en particulier dans des galaxies comme la notre, riches en populations d’étoiles évoluées.

La découverte de GRB 111209a, un événement très rare et que nous n’aurions pas pu détecter s’il avait été un peu plus loin, montre que nous n’en avons pas fini avec les surprises dans le zoo des explosions qui se produisent dans l’Univers. La compréhension de ces événements extrêmes est importante pour la synthèse des étoiles et les mécanismes qui peuvent produire la vie, mais aussi la menacer.

L’équipe à l’origine de cette découverte est composée de

Bruce Gendre (ASDC/ARTEMIS/IRAP),

Giulia Stratta (INAF),

Jean-Luc Atteia (IRAP/CNRS/UPS),

Stéphane Basa (LAM/CNRS/AMU),

Michel Boër (ARTEMIS/CNRS/OCA/UNS),

David Coward (University of Western Australia),

Sarah Cutini (INAF), Valerio D’Elia (INAF).

Eric J. Howell (University of Western Australia),

Alain Klotz (IRAP/CNRS/UPS).

Luigi Piro (INAF).

Article scientifique : « The Ultralong Gamma-Ray Burst 111209a : The Collapse of a Blue Super-Giant ? », The Astrophysical Journal, 2013 March 20, Volume 766, page 30

Contacts scientifiques :

Michel BOËR ARTEMIS, Michel.Boer@unice.fr, 06 77 02 02 95 ARTEMIS (CNRS/OCA/UNS), Nice, et Bruce GENDRE Bruce.Gendre@gmail.com

Jean-Luc ATTEÏA, Jean-Luc.Atteia@irap.omp.eu, et AlaAlain.Klotz@irap.omp.eu, IRAP (CNRS/UPS), Toulouse

Stephane.Basa@oamp.fr, LAM (CNRS/AMU), Marseille